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Le Journal de Miranda
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Le Journal de Miranda
20 décembre 2010

Les Illuminations de Times Square

Je me dressais sur la pointe des pieds pour mieux voir. A cause de la foule, je me sentais un peu perdue. Et malgré ma grande taille, je me contorsionnais pour assister au spectacle. Je ne voulais pas en perdre une miette ! D’ailleurs, je me sentais excitée comme une puce ! Je gigotais, tapant des pieds et des mains avec enthousiasme -et aussi pour me réchauffer ! En effet, les températures avaient encore dégringolé. L’hiver était plus rude que jamais alors que la neige tombait sans discontinuer depuis plusieurs jours. Dans les rues, des strates blanches engloutissaient tout -les avenues, les paliers, les perrons des immeubles. On se serait cru à la montagne. Et la circulation était toujours aussi ralentie avec ses voitures qui roulaient au pas, ses conducteurs qui pestaient et ses naufragés aux pneus crevés. Malgré tout, j’aimais bien cette ambiance ! Car avec les automates des vitrines, les guirlandes et les boules de houx, cela sentait Noël ! Il y avait des sapins, des paillettes dans tous les recoins. C’était la magie des fêtes.

Emmitouflée dans un gros anorak, je me hissais sur mes orteils. J’avais eu le temps de retirer mes chaussures à talons pour enfiler de grosses bottes. Et j’avais également jeté à mon cou une écharpe avant de me ruer sur mes moufles. La nuit promettait d’être glaciale. Mais cela ne douchait pas mon impatience. Au contraire, j’étais électrisée, comme le reste de la foule. Il montait un élan de la masse des gens -plusieurs centaines, peut-être milliers de personnes rassemblées dans Times Square. Cela formait une émulation. On se sentait gagner par la joie, les rires, les chants de ses voisins. Et je n’étais pas imperméable à cette atmosphère fraternelle, un peu naïve et bête. En fait, j’adorais la guimauve et les bonnes intentions. Et je souris à mes voisins, enchantée par les corps qui se pressaient. Nous étions tous entassés les uns contre les autres. Nos manteaux frottaient, nos pieds s’écrasaient... mais nul ne songeait à s’en plaindre. Nous étions tous là pour la même chose. Et nous en profitions.

Un gros frisson secoua mon échine. Il n’était pas facile de résister à l’hiver en pleine nuit. Plus encore qu’en plein jour, il fallait lutter contre la glace, la buée blanche qu’on expirait, le vent qui soufflait. D’ailleurs, la bise me sifflait aux oreilles depuis un moment. Et sous le bonnet, mes longues mèches châtains s’agitèrent en tout sens. J’étais balayée, secouée comme une poupée. Mais je luttais, arcboutée en arrière. Et je serrais mes bras autour de ma poitrine -en fait, on aurait dit que je m’étreignais. D’ailleurs, tous mes voisins m’imitaient dans les rires. Il n’y avait pas de chochottes même si certains petits enfants, énervés par l’heure tardive, geignaient et pleurnichaient. Pour ma part, je ne me laissais pas déconcentrer. Et je scannais d’un regard l’horizon. Arrivée un peu en retard, j’avais dû me contenter des places qui restaient. Je m’étais faufilée aussi loin que possible dans les rangs. Et depuis mon arrivée, d’autres colonnes étaient encore venues grossir la foule. Aussi, je me trouvais maintenant coincée en plein milieu du rassemblement.

Le vent hurla dans l’immense avenue. Et brutalement, je sentis quelque chose s’abattre sur mes épaules. Je retins un cri de surprise. Et je sursautais violemment, toujours aux aguets. Mais bientôt, une vague de chaleur m’envahit. Cela détonait avec les frimas ambiants. Et aussitôt, un rire retentit derrière moi, rauque et familier, alors que deux mains entouraient mes épaules. Surtout, un poids pesait sur mon dos, comme si j’étais enveloppée dans un cocon. Je fis volte-face, tournant la tête avec vivacité. Et je croisais les yeux de mon frère, d’un bleu intense. Il me souriait malgré sa peau bleuie et ses cils glacés, un peu collés. En fait, il venait de poser une énorme couverture sur mes épaules pour me protéger de l’hiver. Et je lui rendis son sourire, émue et touchée -amoureuse, surtout. D’instinct, je cherchais sa main, repoussant le tissu pour atteindre ses doigts. Et je portais sa paume à ma bouche dans un baiser. Il avait enfin réussi à me rejoindre ! Nous avions été séparés quelques minutes pendant qu’il avait garé la voiture dans une rue latérale.

-J’avais peur que tu ne me retrouves pas ! Il y a au moins cinq mille personnes !

-Je te trouverais toujours, même dans une foule, même sans te chercher !

Nos yeux se répondirent, brillants. Et mon sourire s’agrandit alors qu’il brandissait devant moi son chargement. Il avait apporté avec lui deux gros thermos de boissons chaudes -thé vert et café- pour tenir le coup. Et ce n’était pas inutile alors que nous tremblions tous les deux de froid. Par chance, il avait arrêté de neiger. Les flocons n’étaient jamais très loin en cette fin d’année, comme une menace blanche et belle. Je m’empressais alors d’ouvrir la couverture pour lui faire une petite place. Et très vite, nos corps se serrèrent sous l’épais mohair. On se collait l’un à l’autre tout en réprimait des claquements de dents. Mais cela en valait la peine. Aussi, je refermais la cape sur nous. Elle tombait jusqu’à nos chevilles comme un bouclier. Et bientôt, mon frère me tendit une timbale en plastique d’où s’exhalait une liquide fumant. On voyait un petit halo blanc qui dansait en volutes. Cela me rappelait le calumet de la paix ! Et j’éclatais de rire en absorbant une première gorgée -si brûlante qu’elle me tira des larmes et un petit cri ! Hannibal se mit à rire, buvant à plus petites gorgées son café noir.

Nous attendions ensemble le spectacle. Et nous avions l’air de deux enfants avec nos yeux qui furetaient, nos têtes qui se tordaient. Il ne restait qu’un petit quart d’heure avant le début ! Et une rumeur émanait de toute l’avenue comme une vapeur d’eau. Cela montait des pavés, comme au-dessus de ma tasse. Et cela tournait jusqu’aux toits, ricochant sur les fenêtres, les autres rues. Tout le monde s’impatientait. Des bottes piétinaient alors que des corps comprimés se tortillaient. Par chance, nous étions encore intacts. Et nous pouvions boire nos gobelets tranquillement. Je le vidais d’ailleurs presque d’une traite -même si ça faisait mal ! Le thé m'ébouillanta la gorge ! Mais je me servis une seconde tasse alors que le rouge me revenait aux joues. Ça me réchauffait. Et ce n’était pas désagréable ! De même, Hannibal reprenait des couleurs, quittant son masque bleui pour une peau plus rose, plus saine. Nos tasses s’entrechoquèrent alors. Nous trinquions à nous, à notre nuit, à notre spectacle !

En fait, nous étions venus pour assister à l’illumination de Times Square. Il s’agissait d’un événement très important pour tous les new-yorkais. En effet, chaque année, d’immenses sapins étaient dressés sur la place, au bout de l’avenue la plus célèbre de la ville. Couverts de guirlandes électriques, croulant sous les décorations, ils étaient allumés à la veille de Noël, pour les fêtes. Et à chaque saison, une nouvelle célébrité était invitée pour appuyer sur le bouton magique qui embraserait tout. D’ailleurs, je regrettais bien qu’on ne m’aille rien proposé ! J’aurais adoré allumer New-York ! Mais on n’avait pas pensé à moi -ce qui me faisait un peu bouder dans mon coin. En même temps, je n’étais pas vraiment une star... mais l’actrice d’opérette qui avait été choisie non plus ! En fait, j’étais même un peu plus connue que la blonde demoiselle ! Mais je haussais les épaules avec une petite moue mesquine alors que j’absorbais encore une rasade de thé bouillant. Et je savourais la bonne humeur générale. J’adorais cette communion de la foule... l’esprit des fêtes... la bonté et la joie...

De son côté, toute cette niaiserie écœurait un peu mon frère. Et lorsque je le regardai à la dérober, je découvris qu’il levait encore les yeux au ciel ! J’éclatais de rire ! Et je lui assénais un petit coup de coude dans les côtes -qui manqua de lui faire renverser son café par terre ! Nos rires fusèrent. On se chamaillait toujours pendant les fêtes -c’était aussi une tradition ! Mais Hannibal promit de se contrôler au moins pour cette nuit. Et comme des moineaux, nous nous rapprochâmes encore sous la couverture pour partager notre chaleur. Alentour, nous étions les seuls à avoir pensé à prendre une couette. Et quelques regards envieux fusèrent vers nous. En même temps, nous étions dans notre monde. On mélangeait nos doigts, on échangeait nos tasses. Je goûtais avec une affreuse grimace son café. Puis je me blottissais contre lui, plus douce encore que le mohair. En avant, on entendait aussi le chant de la chorale. Une centaine d’enfants, tout vêtus de blanc, était venue chanter devant les grands sapins. Et de leurs voix purs, ils entonnaient tous les refrains de Noël, sur la crèche et les cadeaux.

Des « vivas » explosèrent soudain autour de nous. Je ne compris pas tout de suite. Je cherchais dans la foule une réponse alors que les arbres étaient encore éteints. Mais très vite, je remarquais aussi les premiers flocons qui tombaient ! Des petits bouts de coton descendaient en tourbillons du ciel, pour parfaire notre décor ! On aurait dit que cette chute avait été commandée exprès par le maire, pour notre nuit ! Comme une petite fille, j’élevais alors une main en l’air pour attraper une fleur blanche, froide. Et Hannibal m’imita, aussi enthousiaste, aussi gamin. Quelques pellicules se prirent alors dans mes cheveux et dans les poils de la couverture. Et j’applaudis en même temps que la foule, ravie par cette avalanche inattendue ! A présent, on aurait dit qu’une tempête de cristal s’abattait sur nous. Mais parce que le vent était moins fort, la neige restait douce. Elle virevoltait avant de s’écraser en silence sur les voitures, les trottoirs et les couches blanches qui recouvraient déjà la terre. Je tournais alors la tête vers mon grand frère. Et il me sourit avec douceur avant de déposer un baiser sur mon front, pour me bénir. Mes yeux pétillèrent. Je l’aimais à la folie. Et cela suintait par tous les pores de ma peau.

Sous la neige, Hannibal reprit alors sa position. Depuis un moment, il se tenait derrière moi. Ma dos reposait contre sa poitrine alors qu’il me serrait. Ses bras étaient placés en croix devant moi, sur mes seins. Il me réchauffait. Et on aurait dit qu’il m’empêchait de tomber en avant -en fait, je crois qu’il me protégeait surtout de la foule. Et je me complaisais dans son odeur, près de sa peau malgré les couches de vêtements. Plus encore, à cause de sa haute taille, il me dominait de la tête et des épaules. Et il avait niché son menton au sommet de mon crâne, dans mon bonnet en laine. J’en sentais l’os, la pointe un peu dure et piquante à cause de la barbe. J’étais bien. Je poussais alors un petit soupir de contentement, à mon aise. Surtout, c’était lui qui tenait maintenant la couverture. Il gardait les angles dans ses mains alors qu’il avait rabattu la grosse laine sur nous. Et elle tombait comme une cape qui nous enrobait entièrement. Son ourlet fouettait nos chevilles, ramassant la poudreuse au sol. Je penchais alors la tête en arrière, pour me renverser sur son épaule. Et je savourais sa chaleur, à l’abri dans notre poncho. J’étais heureuse.

En fait, Hannibal m’avait donné rendez-bous devant notre appartement en début de soirée. En effet, nous avions chacun travaillé de notre côté au cours des dernières heures. Et nous avions même été séparés par des centaines de kilomètres ! Ainsi, j’avais dû me rendre au Brésil pour mon travail, à Sao Paulo ! Ma meilleure amie ouvrait une nouvelle boutique de sa marque V&I au bout du monde ! Et j’étais partie prenante de cet événement, à la fois en tant qu’égérie de la marque et en tant que directrice artistique de la ligne de lingerie ! C’était d’ailleurs une aventure très excitante ! Et je m’étais rendue, survoltée, à l’inauguration ! En fait, c’était tellement plus drôle que la promotion pour Victoria’s Secret. Il n’y avait pas de mannequins malhonnêtes ou de patrons mal intentionnés. Seulement ma meilleure amie, toujours sublime et douce, et ses autres modèles phares -notamment Isabeli Fontana, la brésilienne solaire et forte tête que j’admirais depuis des années. D’ailleurs, nous nous étions bien amusées ! Ce n’était pas tous les jours qu’on se rendait au Brésil et qu’on intéressait la presse du pays grâce à sa réussite !

Dans la boutique, j’avais papillonné d’un portique à l’autre pour présenter les articles. J’avais aussi donné quelques interviews aux différents journalistes qui couvraient l’évènement. Un monde fou était venu ! Il y avait même eu une petite émeute devant les vitrines de la boutique flambant neuve ! Plusieurs dizaines de personnes s’étaient retrouvées écrasées contre les portes en verre -et j’avais dû me cacher sous le comptoir du magasin pour réprimer un gros fou-rire. Avec Isabeli et Katie, nous nous étions retrouvés à quatre pattes sous la caisse-enregistreuse à cause de tous les visages tordus et plaqués aux vitrines ! C’était trop drôle à voir ! Par chance, nous avions fini par retrouver notre sérieux, notamment face à la télévision. Et j’avais même pu parler de mes prochains projet avec la marque -lancement de mon premier parfum et d’une gamme de cosmétique éthique et biologique ! Cette journée avait été rondement menée. Aussi, j’étais quand même rentrée bien fatiguée du Brésil... mais pas au point de repousser une invitation d’Hannibal.

De son côté, mon frère avait également assumé une lourde journée de travail. Il était encore question d’un contrat pour lequel il rencontrait ses indicateurs -même s’il avait refusé de me donner plus de détails, toujours par sécurité. Depuis toutes ces années, j’étais habituée à ses méthodes. Et j’étais d’ailleurs bien contente que cela touche bientôt à son terme. Dans peu de mois, nous allions tous les deux embrasser une nouvelle vie, quitter deux mondes qui ne nous convenaient pas. Nous étions deux âmes sauvages, indociles... nous n’étions pas faits pour l’univers de la mode et des chausseurs de prime, des grandes villes et des foules. Notre sang parlait seulement de désert, de grand espace... et de l’autre... rien que de l’autre... Aussi, je regardais avec un peu de distance tout ce que j’accomplissais pour mon travail. Bien-sûr, il n’était pas question d’abandonner Katie à la tête de V&I. J’allais continuer à dessiner la lingerie, à réfléchir à un maquillage sans danger pour la nature. Cela s’accordait bien à mon engagement pour la planète. Mais je n’allais plus défiler, ni poser. J’allais travailler en Argentine et ne sortir qu’en cas d’urgence.

Mais pour l’heure, il n’était pas encore question de ces projets lointains. A ma sortie de l’avion, je m’étais précipitée vers l’Upper East Side où j’habitais. Et j’avais retrouvé mon mari devant le perron de l’immeuble. Je m’étais même jetée sur lui pour l’embrasser... et aussi vite, sans un mot et sous ses rires, j’étais montée en courant à l’appartement. Là, je m’étais débarrassée de ma belle robe et de mes chaussures pour enfiler des couches et des couches de laine. Puis j’avais claqué la porte et voler vers lui -sans pour autant réveiller mes filles, qui dormaient déjà ! C’était un véritable tour de force que j’avais accompli ! Et à présent, je profitais de notre nuit magique, au cœur de Times Square. Hannibal avait voulu me faire plaisir avec cette sortie. Il savait combien j’aimais m’imprégner de l’esprit des fêtes. Et il avait même mis son cynisme de côté pour me plaire. Et alors que je somnolais à demi dans ses bras, dans sa douce chaleur, la foule se mit à rugir. Je sursautais violemment. Je ne m’étais pas rendue compte que je végétais contre lui. C’était sans doute le contre-coup de ma journée !

Comme un dodo, je tournais la tête en tout sens. Que se passait-il ? Était-ce enfin le grand moment ? Je me dressais sur la pointe des pieds, aidée par Hannibal. Ses bras me ceinturaient pour me surélever -peut-être parce qu’il avait senti ma grosse fatigue. Et soudain, j’isolais enfin les paroles de la foule. Tous les gens étaient en train de procéder au fameux décompte ! Dans moins d’une minute, les sapins allaient s’embraser de mille feux. Grisée, je serrais mes mains l’une contre l’autre. Et au-dessus de moi, j’entendis alors la voix rauque d’Hannibal qui déclamait aussi les secondes. Apparemment, il se laissait enfin gagner par la bonne ambiance.

Vingt! Dix-neuf ! Dix-huit !

Je criais en même temps que les autres, déchaînée ! J’étais maintenant excitée comme une puce, au point que je refoulais mon envie de dormir ! Mon corps frétillait tandis que je me tendais vers les grands arbres, tout au bout de la rue !

Quinze ! Quatorze ! Treize !

Sous la couverture, Hannibal croisa les doigts avec moi pour que tout se passe bien ! Bêtement, nous avions l’impression de vivre un moment très important, sinon historique ! Et puis, cela nous rappelait aussi l’arrivée de la nouvelle année ! C’était comme une répétition !

Cinq ! Quatre ! Trois ! Deux ! Un ! Zéro !

Aussitôt, une déferlante de lumières jaillit. C’était... grandiose ! Ma bouche s’arrondit, muette, alors que les clameurs de la foule montaient jusqu’au ciel. On applaudissait dans tous les coins, ravis, emballés. Mais le spectacle était simplement... magique ! Avec des yeux d’enfant, je contemplais les immenses sapins qui tutoyaient les nuages blancs. Ils ruisselaient à présent sous les guirlandes jaunes. On aurait dit qu’ils étaient habillés de lumière. Leurs branches penchaient, alourdies par le poids des bougies, des ampoules. Ils se dressaient comme des spirales de feux, comme des phares dans la nuit. Je ne pus retenir un petit soupir d’admiration. Cela ressemblait à un rêve. Et je dévorais du regard les belles boules rouges et or, les petits bonhommes en bois et les sucre d’orge. En plus, les sapins avaient vraiment une taille magistrale, hauts de plusieurs mètres. On se sentait tout petit à côté d’eux. Et ils m’en imposaient alors que leurs lumières se reflétaient sur mon visage. Toute la foule était baignée dans leur flaque dorée. Je le remarquais sur Hannibal, alors que j’avais tourné la tête vers lui. D’instinct, je cherchais son approbation, son avis. Et malgré son peu d’amour pour les fêtes, je surpris des yeux qui étincelaient alors qu’il se gavait de beaux souvenirs, qu’il enregistrait chaque détail. En fait, cela lui plaisait drôlement ! Et il redevenait enfant -bien qu’il ne l’ait jamais vraiment été- face à la magie des illuminations.

-C’est très beau, murmura-t-il à mon oreille.

Je hochais vigoureusement la tête. Mais le spectacle de sa joie me remuait encore plus que les sapins. Et je ne pouvais plus m’arracher à son contemplation. Toute la lumière se mirait sur lui. Et j’aurais pu le regarder pendant des heures si la foule n’avait pas commencé à s’agiter. En effet, l’excitation gagnait du terrain. Les corps se pressaient de plus en plus alors que certaines personnes voulaient déjà partir. C’était dommage ! On n’était jamais repu de ce genre de spectacles ! Autour de nous, un gros brouhaha s’éleva, de plus en plus fort ! Mais je ne me laissais pas trop distraire. Pourtant, de son côté, Hannibal s’était détourné des sapins. Il se laissait gagner par la nervosité des gens, prévoyant déjà le pire. Mais d’un autre côté, il ne voulait pas gâcher notre sortie. Aussi, il trouva une solution radicale. Et aussitôt, je me sentis soulever en l’air... à ma grande surprise ! Je poussais alors un petit cri aigu. Ses mains s’étaient abattues sous mes aisselles. Et mon frère me porta au-dessus de sa tête, m’élevant au-dessus de la mer des visages. Que faisait-il ?

-Hannibal !

-Tu verras encore mieux de là-haut !

Alors, en une seconde, je me retrouvais sur ses épaules. Il m’avait hissée sur lui comme si j’étais une plume. Et il m’avait installée comme une petite fille, au sommet de sa tête, une jambe de chaque côté. J’éclatais finalement de rire, yeux écarquillés. C’était tellement inattendu ! Et sa force m’impressionnait alors que je pesais entièrement sur lui. Il m’avait aussi abandonné la couverture, qui dégoulinait encore dans mon dos et que je tenais d’une main. A présent, je voyais parfaitement les sapins -je pouvais même admirer leurs pieds et les premiers rangs de la foule ! Et si Hannibal prétextait une meilleure vue, c’est surtout qu’il avait voulu me protéger des gens. Il avait brusquement craint un mouvement de foule. Et il m’avait juchée sur lui ! J’entourais alors sa gorge de mes deux mains, un peu maladroite, comme une petite fille tient son cheval. Il se mit à rire avec moi. Et plutôt que de regarder les sapins, je me penchais sur lui. Je le regardais d’en haut alors qu’il devait lever les yeux sur moi pour recueillir mon plus joli sourire. Et pendant longtemps encore, je l’admirais à la lueur des guirlandes. Seuls dans la foule.

Miranda.

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